« J’ai été harcelée à l’école pour la première fois en CM1. Ça a repris au collège, de la 6ème à la 3ème. Mais le pire, c’était la 3ème avec les agressions physiques. Les profs, les CPE, les psy que j’ai vu m’ont souvent dit que je devais avoir ma part de responsabilité pour que ça dure autant d’années. Ils doivent avoir raison ».
Voilà comment Linda*, 32 ans, se présente à moi pour la première fois.
Quand je lui demande si quelqu’un lui avait déjà fait du mal avant, elle me raconte le rejet de son père. Il ne voulait pas d’une fille. Il a commencé à être violent avec sa mère quand il a su qu’elle était enceinte d’une fille. Il voulait un fils.
Elle ne correspond pas aux attentes de son père, qui ne cessera de la rejeter, de l’insulter, de l’humilier. Elle sera témoin des violences conjugales quotidiennes, jusqu’à ce que ses parents se séparent à ses 5 ans.
Mais trop tard. En elle, est inscrit l’idée qu’elle ne mérite rien d ‘autre que le rejet, et que la violence est une norme relationnelle. Alors, comme elle le dit si bien « à 9 ans, quand les autres commencent à me répéter que je suis nulle, je les crois. » Elle ne peut donc dénoncer quoique ce soit puisque tout ça est « normal » à ses yeux.
La volonté de mon propos n’est pas de dire que tous les enfants victimes de harcèlement ont vécu de la violence dans leur enfance. Ce sera un raccourci tout à fait simpliste et erroné.
Ma volonté est de montrer combien les violences faites aux enfants marquent leur vie. Ce n’est pas une page que l’on tourne. Ce n’est pas du passé, puis on passe à autre chose.
La violence subie enfant est un passé bien actuel dans la vie d’une victime.
La violence faite à un enfant lui vole l’essentiel : la protection et les clés pour apprendre à se protéger.
Je citerais les propos du juge Edouard Durand « Les enfants son des êtres très sérieux ». A nous adultes d’être à la hauteur et de les considérer avec sérieux. Et je ne cesserais de m’insurger contre la volonté de certains de discréditer la bienveillance dans l’éducation des enfants.
Cécile Viénot
*Par souci de confidentialité, elle ne s’appelle pas Linda et elle n’a pas non plus 32 ans