Tous les ans, à l’école, le mois de juin est celui des bulletins et des bilans. Et tous les ans à cette époque, je reçois des parents qui tombent des nues en découvrant le commentaire cinglant de l’instituteur. « Je n’ai pas entendu la voix de Lucas (8 ans) de toute l’année. » A quelques jours des grandes vacances, la sentence tombe sans droit de réponse ni possibilité de redresser la barre. Comme si le professeur voulait s’acquitter de son devoir professionnel en alertant sur les problèmes rencontrés, sans se soucier ni de pédagogie ni des conséquences de sa remarque.
Mais en écrivant sur le bulletin du mois de juin qu’il n’a pas entendu la voix de Lucas de toute l’année, cet instituteur de CE2 ne fait qu’avouer ses propres limites. Il dit simplement qu’il n’a pas été capable de créer un lien, de mettre Lucas en confiance et de l’aider à prendre la parole. Je ne lui jette pas la pierre, mais si vraiment Lucas a été mutique pendant les dix derniers mois, n’aurait-il pas dû demander à rencontrer les parents ? A lieu de chercher à aider cet enfant timide, ce courageux instituteur a préféré se dédouaner en faisant porter la responsabilité de son silence à un élève de 8 ans, par une note griffonnée sur le bulletin.
Face à un tel manque de dialogue, il faut dire à Lucas qu’il n’est pas en tort et l’aider à mettre des mots sur ce qu’il a ressenti pendant cette année. S’il n’a pas voulu prendre la parole, il avait certainement ses raisons.
Et tant que les instituteurs et les professeurs ne seront pas formés à la nécessité de créer un environnement bienveillant dans leur classe, il faudra encore recommander aux parents de mettre une alerte sur leur agenda pour prendre rendez-vous avec l’instituteur ou le professeur principal vers janvier-février pour faire le point avant le bulletin du mois de juin…
Cécile Viénot